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Blog-Serge-FREYDIER
4 avril 2013

Après l'affaire Cahuzac, questions sur le mensonge à Boris Cyrulnik

91euba23 Le 26 mars 2013, Jérôme Cahuzac a avoué qu'il détenait un compte en Suisse, sur lequel il avait déposé 600.000 euros. Plus que le blanchiment de fraude fiscale, c'est le mensonge de l'ancien ministre du Budget qui choque.

   Cyrulnik2004presse_DRFP_200 Il est intéressant d'écouter l'analyse du mensonge par le psy Boris Cyrulnik.

La culpabilité, la honte , la peur sont  des mobiles du mensonge, mais existe-t-il pour autant, dans certaines circonstances, un droit de mentir ou, plus encore, un devoir de mentir ?

Boris Cyrulnik :  Oui, bien sûr, il existe un devoir de mensonge, puisque c’est une preuve d’empathie. Le mensonge est certainement « la » virtuosité intellectuelle humaine. Mentir, c’est savoir qu’avec un mot, un scénario, une mimique, un sourire, une posture, je vais pouvoir modifier les représentations de l’autre et entrer dans son monde intime. C’est une performance intellectuelle extrême qui exige que moi, menteur, je puisse me représenter les représentations de l’autre. Pour cela, il faut non seulement que je sois très intelligent, mais surtout que je sois respectueux de l’autre. Les pervers, les psychotiques ne mentent pas parce qu’ils se moquent des autres. Le pervers dit ce qu’il pense et, si c’est blessant, tant pis, aucune importance ; quant au psychotique, de toutes les façons, pour lui, l’autre n’existant pas, il dit ce qu’il pense sans se poser de question. En résumé, chez le psychotique, il n’y a pas du tout de représentations de l’autre et chez le pervers, il n’y a pas de respect des représentations de l’autre. Et mentir, c’est respecter l’autre.

D’autre part, il est vrai que très souvent le mobile du mensonge est la protection. Si ma vie est en jeu, il suffit que je me taise pour la protéger J’ai donc également un droit de mensonge pour me protéger (c’est de la légitime défense). en manipulant les représentations de l’autre afin de les rendre conformes à mon désir. 

Un individu qui ne mentirait jamais ne serait-il pas plutôt considéré comme un inadapté social que comme un saint ?
Mentir, c’est respecter l’autre, c’est ne pas lui faire de mal, mais c’est aussi le préparer tout doucement à la vérité quand il faut la lui dire. Lorsque j’étais jeune médecin, nous croyions qu’il fallait préserver les malades en ne leur disant pas la vérité. Mais ensuite la maladie évoluait, la famille n’avait pas pris ses dispositions et, en plus, on avait trompé le malade. Dès lors nous avons changé de stratégie. Par conséquent, maintenant certains disent la vérité comme on envoie un coup de poing dans la figure… Je l’ai vu… Dans ce cas-là, dire la vérité devient une forme de non-respect de l’autre. Il y a une attention à l’autre qui exige qu’on le mène à la vérité.

Pour s’acheminer vers plus de maturité face à la vérité, l’humanité doit faire preuve de plus de raffinement encore dans l’art de mentir ?
En ce qui concerne l’homme, le mensonge (l’inadaptation) est indéniablement une défense qui permet l’innovation. Mais il n’est pas question d’affirmer : « Il ne faut pas dire la vérité », car, en fait, nous disons toujours la vérité, soit brutalement, soit plus subtilement ; par le « dit » ou par le « para-dit ». Seules les stratégies diffèrent. Toutefois, dire la vérité par le « dit » n’est possible qu’au sein d’une situation psychosociale, affective ou familiale qui le permette, ce qui est rare. C’est pourquoi notre culture pousse au mensonge et, par là, nous contraint à l’innovation, à la poésie, à l’œuvre d’art, au roman...

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